Association POUR en classe de terminale en droit
L’objectif de cette rencontre, en dehors du plaisir qu’offrent les partages humains nécessaires à une meilleure connaissance mutuelle, consistait à reprendre conjointement l’analyse philosophique de Kant, dans son livre vers la paix perpétuelle, d’un droit cosmopolitique et du diagnostic d’un dispositif juridique d’inhospitalité formulé et décrit par le philosophe Jacob Rogozinski dans son livre Inhospitalité, publié au printemps dernier aux éditions du cerf. Partant, il s’agissait de remettre en question la réduction, dans l'imaginaire public et l’opinion commune, de la condition d'étranger à celle d'immigré ou de migrant, puis de la condition d'immigré à celle de clandestin, et de celle-ci à la situation de marginal, voir de nuisible à l’ordre social. En reprenant l’analyse de Kant, les élèves distingueront droit de visite, droit d’asile et de résidence, et construiront deux émissions de radio disponibles à l’écoute en mai. « Il est question ici, nous dit Kant, non pas de philanthropie mais du droit. Hospitalité signifie donc ici le droit qu'a l'étranger, à son arrivée dans le territoire d'autrui, de ne pas y être traité en ennemi. C'est le droit qu'a tout homme de se proposer comme membre de la société. »
Cette rencontre importante a permis de saisir avec précision le travail de la cinquantaine de bénévoles de l’association ( qui assurent le travail de plus de 7 personnes employées à temps plein) en soutien au travail du législateur qui assure le droit d’accueil des réfugiés pour des raisons politiques.(accès au logement, aux soins et à l’éducation.) La présentation de M. Pitz a permis de comprendre l’histoire, la genèse et l'organisation de cette association laïque née en 2015 grâce à l’initiative d’un collectif de citoyens soucieux de témoigner une sollicitude et une empathie aux réfugiés morts et abandonnés en mer, suite à la mort sur les plages turques de l’enfant kurde Aylan Kurdi ( voir ce que l’organisation Migreurop désigne par “ la stratégie du laisser-mourir en mer” in “On ne peut pas accueillir toute la misère du monde.”En finir avec une sentence de mort, Pierre Tevanian et J.C Stevens, edition anamosa. L’association fut reconnue en 2018 association de 1901 et elle s’inscrit dans le soutien à l'intégration au même titre que les organismes publics qui œuvrent en faveur des réfugiés à Oloron et sur l’ensemble du Piémont (France Horizon et OGFA). La liberté d’association constitue un droit constitutionnel et l’association compte 120 membres parmi lesquels de nombreux enseignants bénévoles en retraite qui assurent les cours de français. Par son travail social et linguistique, elle assure le soutien de plus de 20 nationalités qui apprennent le français. M. Pitz a souligné que si l’apprentissage du français était une condition sine qua non de la naturalisation et l’accès à la nationalité, l’apprentissage était le plus souvent sous traité au travail bénévole des associations. ( Voir l’article p 15 disponible au CDI de philosophie magazine d’avril 2025- faut-il parler français pour être français?) Madame Portet a pu témoigner de son travail d’enseignante et détailler les modalités de son travail en explicitant le vocabulaire juridique et les acronymes qui désignent les différentes instances d’accueil. Nous préparons une interview des bénévoles et des personnes réfugiées qui souhaitent prendre la parole. Celles-ci ont pu témoigner, avec courage et précision, chacune à leur tour, du parcours qui les a conduits en France et plus précisément à Oloron:
-L’un, dès son plus jeune âge en tant que mineur isolé, venu de la Côte d’Ivoire, en passant par le Maroc puis l’Espagne, a été scolarisé au collège en vallée d’Aspe et est désormais intégré à la vie sociale par son travail en alternance et la préparation de son CAP de pâtisserie.
-L’autre, venu du Congo Kinshasa via le Congo Brazzaville après avoir subi la violence de la répression et de la réclusion pour son action politique dans son pays d’origine a obtenu son transfert vers la France où il peut construire son avenir en laissant, néanmoins, sa mère et son grand frère au pays. Conscients de leur ignorance concernant l’histoire du Congo et du Rwanda et la violence endémique à laquelle sont soumis ces peuples ainsi que de l’actualité de la répression qui s’abat sur la société civile au Congo et au nord Kivu, les élèves ont pu s’interroger sur les principaux pays d’accueil pour les Congolais( Afrique du Sud et France).
- la dernière, venue d’un pays où l'école et l’instruction sont interdites aux femmes, l’Afghanistan, a pu témoigner de son intégration non seulement par sa maîtrise de la langue française mais surtout par sa réalité familiale: en construisant sa famille ici et en scolarisant sa fille dans l'école de la République, elle a choisi de tisser des liens serrés et individuels avec l’association pour consolider sa maîtrise de la langue et simplement partager un monde commun.
En reprenant une intuition de Paul Ricoeur dans son discours prononcé aux semaines sociales de France, “Réinventer l’hospitalité à la faveur du souvenir fictif ou réel d’avoir été soi-même étranger”, le philosophe J.Rogozinski invite à reconnaître la part d’étranger en soi et à se saisir de l’histoire locale, de la mémoire commune d’un passif et/ou d’un passé d’immigration ou d’accueil pour mieux interroger notre hospitalité, là où nous sommes. C’est pourquoi les élèves poursuivront leur réflexion aujourd’hui avec les classes de 3 èmes, en accueillant, grâce à M.Cordon Molina, professeur d’histoire, le témoignage de M.Villalba, président de l’association Terre de mémoire et de lutte et fils de républicains internés au camp de Gurs. Ils se rendront à Gurs le 11 avril avec les classes de 3 èmes de Saint Joseph et celles du collège de Sacré Coeur de Pampelune pour interroger ensemble la mémoire de la solidarité dans l’accueil de ceux et celles qui sont en danger dans leur pays d’origine.
Ces différentes rencontres auront pour but d’interroger ce que le sens de l’histoire veut sans doute cacher en privilégiant ses grands acteurs plutôt que ses “petits” figurants: le destin des “parias”, des “indésirables” et plus simplement des “petits”, “anonymes”qu’on entend peu et qui pourtant nous renseignent sur une histoire commune à construire non sur les ruines du passé mais sur l’espoir d’un monde meilleur pour tous.
Ce sera l’occasion de réfléchir à ce que le philosophe Paul Ricoeur nomme dans Histoire et vérité en 1955 à la suite de W. Benjamin, le sens caché de l'histoire des petits et des perdants, gratifiés de la seule “petite bonté” chère à V.Grossman.“ Donner à manger et à boire, recueillir l'étranger, vêtir ceux qui sont nus, soigner les malades, visiter les prisonniers, ce sont là autant de gestes simples, primitifs, faiblement élaborés par l'institution sociale; l'homme y est montré en proie aux situations-limites, démuni socialement, réduit à la détresse de la simple condition humaine. Le vis-à-vis de cette conduite primitive est appelé « un petit »; c'est l'homme qui n'a pas de rôle conducteur dans l'histoire; il est seulement le figurant qui fournit la ration de souffrance nécessaire à la grandeur des vrais événements « historiques »; c'est l'anonyme porteur de la caravane sans qui le grand alpiniste manquerait de gloire; c'est le soldat de deuxième classe sans qui les grands capitaines manqueraient non seulement leurs coups de génie, mais même leurs erreurs tragiques; c'est l'ouvrier du travail parcellaire et monotone sans qui les grandes puissances ne construiraient pas construiraient pas d'équipement industriel moderne; c'est la « personne déplacée », pure victime des grands conflits et des grandes révolutions. Le sens de l'histoire, tel du moins qu'il est déchiffré par les acteurs eux-mêmes, passe par les événements importants, par les hommes importants. Les «petits», ce sont tous ceux qui ne sont pas récupérés dans ce sens de l'histoire. Mais il est un autre sens qui regroupe toutes les minuscules rencontres laissées pour compte par l'histoire des grands; il est une autre histoire, une histoire des actes, des événements, des compassions personnelles, tissée dans. l'histoire des structures, des avènements, des institutions. Mais ce sens et cette histoire sont cachés.”Paul Ricoeur, Histoire et vérité, chapitre Socius et Prochain